Chaos et Quiétude
En 2008, j’ai découvert la méditation, et à chaque grosse session méditative son lot de de nouvelles compréhensions, sur la vie, sur la mort, sur moi… mais dernièrement, après un cours de 10 jours de Vipassana, je me suis rendu compte un peu plus profondément ce que c’était vraiment que méditer.
Je vais exposer ce que j’ai compris de ces années d’expérimentations, tout en racontant mon parcours, avec l’objectif humble de pouvoir aider quiconque débute ou est perdu dans sa méditation.
Mon cheminement :
2008 : premières découvertes
J’ai 21 ans et je n’en peux plus de ne pas arriver à communiquer avec les autres. Je me considère à l’époque comme un timide maladif, très introverti. Ça fait 10 ans que je traîne ce mal-être social.
Je cherche sur internet et trouve un e-book intitulé « J’étais timide…». J’y apprends qu’il est possible de changer son mindset par la visualisation, l’autosuggestion au moyen de phrases affirmatives, avec des exercices de relaxation. Je m’y mets à fond. Je vois certains effets, et ai envie d’aller plus loin.
Je découvre ensuite dans la même veine, un exercice sur 21 jours pour reprogrammer tout ce qui a été vécu depuis la naissance afin de se détacher de certains mécanismes psychiques limitants et se sentir plus libre. Et ça marche plutôt bien un temps… je me rappelle d’un jour où pour la 1ère fois depuis longtemps je me suis réveillé léger, souriant, alerte, sans pensée négative. Tout m’apparaissait fluide et simple durant cette journée. Le lendemain je me réveille et m’attends à ce que ça continue, mais c’est moins prégnant, et je recommence à cogiter et petit à petit je replonge dans mon mal-être… je m’étais attaché à cet état « lumineux ».
1ère leçon spirituelle, qu’il me faudra encore longtemps avant de comprendre : des attentes et de l’attachement naissent la souffrance.
2009 : plongée méditative
Je découvre un livre qui a inspiré « Le secret », son titre « La clé de la maîtrise » de Charles Haanel. Je plonge dedans pendant 5 mois, où chaque jour je pratique les exercices qu’il décrit. Un brin ésotérique, plein d’aphorismes, ce sont mes premières expériences méditatives, de « connexion au tout ». Je reste parfois 2 heures sans bouger à explorer ce monde intérieur si fascinant…
2ème rappel de la leçon, mais je ne la comprends toujours pas, je m’attache à ces sensations nouvelles, je désespère de ne plus les sentir, puis je délaisse ce livre et ces exos.
Puis je m’intéresse un peu au zazen, mais je suis un peu moins régulier dans ma pratique.
2010 : premier contact avec la méditation originelle
Après 1 an à être captiver par tout ce qui remet en question la société, les théories du complot, l’ésotérisme (que je vais délaisser voyant que ça m’apporte autant d’éclairage que de paranoïa et de doute), je continue de chercher des pistes de libération et d’émancipation via la méditation. Au gré de mes recherches je tombe sur une présentation de Vipassana… je suis profondément attiré et je m’inscris de suite à un cours de 10 jours à Dhamma Mahi.
Rester en silence pendant tout ce temps me va à ravir, je pratique avec détermination chaque jour en suivant scrupuleusement toutes les instructions de Goenka. Le 6ème jour, après une longue et intense méditation, je sors du hall avec de nouveau une sensation de légèreté, de plénitude, et j’ai l’impression que je vois mieux (je suis myope depuis l’âge de 10ans). Je n’en crois pas mes yeux -wordplay- tout au loin me semble plus net. J’ai envie de partager cette joie, mais la communication est bien entendu proscrite. Ébahi, je retourne à la méditation.
3éme rappel, attente, attachement… à la fin de l’heure d’assise, je ressors, et ma vision n’a pas plus progressé, elle est même comme avant… déception, tristesse… les jours suivants sont plus compliqués, le retour à la parole à la fin du cours aussi.
Je garde un sentiment d’amertume. Je retourne chez moi, où certains de mes amis et de ma famille pensaient que j’étais dans une secte. Je me laisse porter par le tourbillon de la vie et vais attendre 8 ans avant de refaire un cours Vipassana, entre temps je médite peu.
2018 : retour à la source
Je sens le besoin et l’appel d’une retraite Vipassana. J’en fais plusieurs jusqu’en 2023, et chaque fois ma compréhension de ce qu’est la méditation évolue, ainsi que celle du désir, de l’attachement, de la souffrance, de la vie, de la mort…
J’ai quelques fois retrouvé cet état de plénitude totale, et parfois de dissolution de mon corps, et au début je m’y attachai encore, puis de plus en plus avec réserve, et je compris peu à peu que ces états là aussi étaient à observer.
J’ai essayé d’autres pratiques thérapeutiques/spirituelles (notamment la sophrologie entre 2012 et 2017, le pranayama entre 2015 et 2019, le tantra entre 2021 et 2023) et j’y ai vu des points communs avec Vipassana : l’observation de la respiration, des sensations, la concentration de l’esprit, le présence. De même que les « 4 accords toltèques » (livre que j’ai lu et rerelu) enseigne à mes yeux la même chose que Sila : la moralité, fondation et prérequis pour pratiquer Vipassana.
Et « Flow » écrit par Mihaly, qui décrit le processus d’expérience optimale (traduction de « flow ») à travers six facteurs qui sont également vécus lors de la méditation. L’expérience de flow transcende l’entropie psychique, là où Bouddha enseigne à maîtriser son esprit, après avoir constaté que les pensées ne cessent d’aller et venir sans raison. Les facteurs pour toucher ce flow décrit par Mihaly sont ceux qu’enseigne Bouddha via la moralité (Sila), la concentration de l’esprit (Samadhi), mais ce dernier ajoute la purification de l’esprit (Panna), triptyque qui forme Vipassana, art de vivre de chaque instant et pour la vie… cela demande de pratiquer plusieurs heures par jour sans exception. Je n’y suis pas encore.
Je sentais que bien que ça m’apportait une certaine quiétude de l’esprit, j’avais l’impression que quelque chose me manquait dans la manière dont je recevais cet enseignement et comment je pouvais l’implémenter dans mon quotidien. Pour ce dernier point, les quelques services que j’ai pu faire m’ont tout de même aider.
J’explique vite fait : la technique de méditation Vipassana selon Goenka s’apprend en faisant une retraite assise, c’est-à-dire entièrement consacrée à la méditation assise. Puis, suite à cette 1ère retraite, il est possible de servir un cours, c’est-à-dire d’être un servant des étudiants-méditants (pour les repas, la maintenance du lieu, … le bon déroulement du cours en général) tout en ayant la possibilité de méditer quelques heures par jour (au lieu de 10h pour les étudiants).
2024 : découverte d’une autre source
Puis, j’ai découvert qu’il existait plusieurs enseignements Vipassana, et je me suis inscrit au printemps 2024, à un cours de 10 jours, selon l’enseignement de Mahasi Sayadaw.
Ce qui m’a attiré est qu’il inclut plus profondément la marche méditative, l’observation des gestes dans les activités, et l’observation des concepts mentaux (les pensées et les états d’esprit). Ce dont parle aussi Goenka en partie mais de manière plus théorique. L’emploi du temps et l’intensité de ces 2 enseignements sont quasiment les mêmes… mais une nouvelle leçon va m’être donné par l’enseignant qui transmettait cette autre forme de Vipassana : méditer avec douceur.
Je pensais savoir méditer depuis toutes ces années, savoir ce qu’était être équanime (être égal et serein face à ce qui apparaît agréable ou désagréable), ce qu’était le juste effort.
Je me souviens bien qu’à Dhamma Mahi (enseignement selon Goenka), en 2023, l’enseignant m’avait dit que trop se faire violence face à la douleur éprouvée durant l’assise n’était pas être équanime.
Mais cette fois-ci ce nouvel enseignant (enseignement de Mahasi Sayadaw) mettait l’accent dès le premier jour sur Metta (pratique qui vise à développer et cultiver des sentiments de compassion et de bienveillance envers soi-même et les autres, abordée au 8ème jour chez Goenka) et répétait d’être doux avec soi-même, et l’équanimité viendra d’elle-même, pas besoin de l’invoquer ou se persuader qu’elle est là.
Cette approche me faisait comprendre plus subtilement ce qu’était vraiment le lâcher prise, l’amour envers soi-même.
Le chemin est long, chaque pas apporte son petit lot de sagesse.
J’espère que ce partage d’expérience pourra inspirer des gens, l’intention est là.
Pour le dire avec Metta ;
Puissent ces mots inspirer les êtres qui le lisent.
Puissent tous les êtres vivants être en bonne santé, libérés de toute souffrance, heureux et en paix.